19 décembre 2008

Bernard et Bernie...



Ce matin, Bernard Maris a assimilé l'arnaque de Bernie Madoff au libéralisme alors que c'est l'inverse.

Dans le liberalisme, ce qu'a fait Madoff est interdit, et il va finir en prison. Il a promis des rendements mirobolants à ses clients, rendements qu'il était incapable de tenir. C'est donc en trouvant de nouveaux clients qu'il payait les anciens. Il a fait des promesses intenables, et n'a pas respecté ses contrats, ce qui est interdit dans le libéralisme.

Or c'est exactement ce que fait la sécurité sociale, ou l'Etat avec sa dette publique. Ces systèmes distribuent des promesses intenables, et il leur faut sans cesses des nouveaux "clients" - une démographie croissante - pour perdurer. La vraie différence entre le libéralisme et ces systèmes est que ces derniers sont obligatoires et "légaux". Au moins, Madoff devait convaincre ses clients un par un. Il ne pouvait pas les obliger à cotiser. Surtout, il ne pourra pas leur raconter des boniments et leur expliquer qu'il a fait tout cela pour leur bien.

Dans le libéralisme, la force dissuasive de l'Etat ne parvient pas toujours à empêcher le vol et les arnaques pyramidales. Dans le socialisme, le vol existe pour, et grâce à, la force de l'Etat. Dans le libéralisme, Madoff finit en prison. Dans le socialisme, ce ce sont les "clients" qui refusent de cotiser qui finissent en prison.

Dommage que D.Seux n'ait pas pensé à cette analogie pourtant évidente.

16 décembre 2008

Note de lecture - "La crise" de Michel Aglietta

éconoclaste-Stéphane écrit :
Plus qu'un point de vue sur la crise, cet ouvrage est une mine de réflexion pour ceux qui n'ont pas encore fait le tour de la question.
Commentaire de GSF :

1. Gu Si Fang | lundi 15 décembre 2008 | 15:06 

Je n'ai pas fini le livre, mais votre billet m'incite à écrit un commentaire à chaud, et le premier chapitre suffira à la tâche. Voici d'abord un résumé du chapitre, et ensuite quelques pistes de réflexion comme le suggère éconoclaste-Stéphane :

La première phrase d'Aglietta est : "Les historiens l'ont constaté, les phases de crise sont inhérentes à la logique financière." Le cadre est donc posé dès le départ, l'auteur affirme ses origines historicistes. Il se distingue volontairement du point de vue dominant, qui considère que le marché est naturellement stable, et tend vers l'équilibre.

Son raisonnement est le suivant : si le marché avait ses propres mécanismes stabilisateurs, il ne devrait provoquer de crises. Il faudrait donc une cause extérieure pour déclencher une crise, et le déroulement de la crise devrait varier selon la cause. Ce n'est pas ce que l'on observe, puisque les crises n'existent réellement que depuis quatre siècles, et le scénario est toujours le même.

Sa réponse est la suivante : l'apparition des crises modernes coïncide avec l'apparition du "papier", des "titres sur lesquels les gens peuvent spéculer". Avant leur apparition, les crises étaient mineures; depuis, elles sont importantes. Il y a donc un lien de cause à effet, une "logique commune [qui permet] de théoriser ce processus".

Pour Aglietta, ce sont les actifs financiers et la monnaie - ou le crédit - qui sont au coeur de cette logique. Je le cite encore : "Si [le marché des actifs] ne fonctionnait que sur l'épargne disponible, il porterait en lui-même ses propres limites [...] Le lien entre le crédit et le prix des actifs est essentiel [...] C'est exactement le processus qui a conduit à la crise [...]"

Et de conclure : "Il est ainsi démontré que le marché des actifs fonctionne selon des lois [distinctes des biens ordinaires] et que l'instabilité est intrinsèque [...]"

Or, la nationalisation de la monnaie est en tous points contradictoire avec le fonctionnement normal d'un marché. Pour tous les autres biens, le fonctionnement libre du marché exige l'abolition des monopoles légaux, la liberté contractuelle, la responsabilité des parties et le respect des droits de propriété. Pour la monnaie, on a exactement l'inverse : la monnaie est un monopole légal, le contrat entre les déposants et leur banque n'est pas libre, les banques bénéficient de plans de sauvetage qui leur évitent d'être responsables de leurs erreurs, et enfin les droits de propriété sont violés.

Notre système financier n'est donc PAS un marché libre. Aglietta en est conscient, bien entendu. Il n'écrit d'ailleurs pas que c'est le marché qui est naturellement instable. Au lieu de cela, il utilise la formule alambiquée "capitalisme financier" pour désigner notre système actuel. De plus, il donne tous les arguments qui permettent de comprendre pourquoi ce capitalisme financier - ce "non-marché" du crédit et de la monnaie - est instable. Et contrairement à ce qu'il écrit, les économistes partisans du marché ne sont pas tous favorables à ce "non-marché" qu'est le capitalisme financier, bien au contraire!

Les Autrichiens écrivent depuis toujours qu'un tel système, non seulement n'est pas "auto-stable", mais est même nécessairement instable. Ils sont d'accord avec Aglietta, à ceci près qu'ils prônent le retour à un véritable marché, tandis que lui occulte cette possibilité et propose (dans les autres chapitres du livre) des recettes pour améliorer la gestion publique de la monnaie.

Quand je lis ça, j'ai envie de lui demander "Mais n'est-ce donc pas ce capitalisme financier qu'il faut remplacer par un véritable marché? Pour tous les biens autres que la monnaie, on reconnaît les vertus éthiques et utilitaristes du marché par rapport à la planification. La même conclusion ne s'impose-t-elle pas pour la monnaie et le crédit? Ne serait-il pas temps rouvrir ce débat ancien qui a pris plusieurs formes au cours des siècles, entre currency school et banking school, économistes et socialistes, keynésiens et monétaristes, etc.? Pourquoi vous acharnez-vous à nous convaincre de ce nouveau Plan de la Monnaie et du Crédit?"


2. Olivier | lundi 15 décembre 2008 | 16:25 

Je ne vois pas de mécanismes par lesquels la privatisation du marché de la monnaie aurait entrainé une diminution de l'impact de la crise.

Si on regarde la production de titrisation, on voit qu'à partir de 2005, quand Freddy et Fannie diminuent le montant de crédits titrisés, le secteur privé reprend largement le flambeau (et sans la garantie implicite d'Etat qu'avaient Freddy et Fannie). 

Une très grande partie des acheteurs des titres financiers créés étaient des institutions privées.

Donc des entreprises de crédit privées, faisaient titriser des crédits privés en passant par des intérmédiaires privées, et les vendant à des firmes privées. Et cette pratique a atteint son maximum en 2005-2006, soit au sommet de la bulle. J'ai du mal à comprendre comment plus de marché la dedans permettrait d'éviter ce genre de comportements.


3. Gu Si Fang | lundi 15 décembre 2008 | 18:27 

@ Olivier

Effectivement, je n'ai donné aucune raison, aucun argument dans mon commentaire. C'est une question de place, et aussi un truc dont on n'est pas trop censé parler ici, un peu comme les bêtes à grandes oreilles sur un bateau ou les liens de chanvre dans un théâtre ;-) Pour plus d'info vous pouvez lire ce petit livre qui amha dit l'essentiel dl.free.fr/nZ9JkwwdQ



Une très bonne question

C.H. écrit :

Via Marginal Revolution, voici le sujet d’examen proposé par un enseignant de la George Mason University pour son cours d’économie politique :

“Joseph Schumpeter claimed that capitalism would give way to socialism largely for ideological reasons. This does not seem to have happened, at least directly. But might it be happening indirectly? Consider, for instance, a significant change that has occurred in the economic organization of debtor-creditor contracts. Not too long ago, lenders held their loans in their portfolios. They would lose if the borrower defaulted, which gave the lender a strong incentive to monitor the borrower, particularly for large loans. Now, lenders split their loans into numerous small pieces and disperse them throughout the economy. (For instance, many people who hold mutual funds and retirement accounts will find that they are holding small pieces of large loans made by commercial banks.) The burden of non-performing loans is thus dispersed throughout the economy rather than residing with the original lender. Does this development weaken the incentive of lenders to monitor borrowers and thereby weaken overall economic performance? That is, can market transactions generate institutional arrangements that impair the market economy? However you address this topic, do so clearly and cogently”.

[...]

il n’y a aucune raison de penser que les arrangements institutionnels issus d’actions volontaires soient toujours optimaux ou même efficaces, pour la bonne et simple raison que les décisions individuelles ne sont jamais prises en tenant compte des effets systémiques qu’elles peuvent avoir. En fait, on retrouve la question hayékienne. On peut admettre l’idée qu’il y a toujours une forme ou une autre d’ordre spontané qui émerge, mais rien ne dit que cet ordre soit efficace.

Commentaire de GSF :

Je dirais que ni le marché ni les arrangements institutionnels spontanés ne sont optimaux, et que rien ne garantit leur efficacité. Mais le mécanisme qui fait qu’un marché libre tend vers un résultat optimal est que les agents sont incités à prendre les décisions les moins mauvaises possibles compte-tenu de l’information disponible. Les erreurs sont possibles, et l’information est limitée, bien sûr.

Il y a des raisons de penser que ce même mécanisme s’applique aussi aux institutions, à condition qu’il soit possible d’y adhérer ou d’en sortir librement. L’équilibre entre différentes variantes de contrat et d’arrangements institutionnels résulte alors des préférences des agents. De plus, on peut raisonner sur les conséquences de telle ou telle intervention légale sur les préférences des agents, et donc sur l’évolution des institutions.

Par exemple, pour reprendre l’exemple de la titrisation cité dans l’article, ce n’est pas une institution imposée à tous les acteurs. Chacun reste libre de souscrire des fonds titrisés dont il ne connaît pas la qualité des créances, mais qui est audité par une agence censée recueillir cette information de façon professionnelle, ou au contraire de continuer à prêter selon la bonne vieille méthode. Dans cette optique, le développement de la titrisation ne serait pas une cause des erreurs et de la myopie des investisseurs, mais une conséquence de leurs préférences.

J’en arrive toujours à la même conclusion : l’expansion monétaire déplace les préférences des agents (banques, ménages, entreprises) vers plus d’effet de levier, plus de risque. Mais les contraintes légales comme les ratios prudentiels empêchent parfois de le faire directement. Ceci rend alors la titrisation relativement attractive comme moyen de satisfaire cette préférence altérée par la politique monétaire.

10 décembre 2008

La bonne nouvelle du jour

Stéphane écrit :


C'est la contestation concertée de la limite des 3% de déficit public du traité de Maastricht. Ce chiffre, dont on sait qu'il n'a pas de fondement théorique, a probablement jusqu'ici été négatif pour la régulation conjoncturelle, les avantages de la règle (éviter un très grand n'importe quoi) ayant été limités (voir les ruses de sioux comptables) alors que les inconvénients étaient clairs (absence de souplesse et déresponsabilisation : "c'est l'UE, ma bonne dame" ou absence de réduction en période d'expansion). Le pire n'étant jamais certain, je n'exclue pas de regretter un jour ces mots. En attendant, Nicolas Sarkozy transformera-t-il cette (possible) nouvelle souplesse en quelque chose de bien ou se contentera-t-il d'arroser amis et secteurs vendeurs médiatiquement parlant ? Difficile à dire.
Commentaire de GSF :

1. Gu Si Fang | mercredi 26 novembre 2008 | 13:02 

Le pacte de stabilité était une tentative de constitution monétaire et budgétaire. Il limitait les pouvoirs des Etats membres, ce qui est l'un des rôles d'une constitution.

Certes, ce contre-pouvoir était bien chétif. Le plafond de 60% de dette/PIB, par exemple, a été oublié depuis longtemps. Avec les 3% de déficit budgétaire, et officieusement l'objectif de 2% de hausse des prix, la constitution monétaire et budgétaire est à présent complètement morte et enterrée.

Les Etats ont donc recouvert leur souveraineté budgétaire, dont acte. La différence avec la période antérieure, c'est qu'il y a maintenant l'euro. Pour faire un parallèle, imaginez que les collectivités locales soient dotées du même pouvoir, et qu'elles puissent entretenir un déficit budgétaire et accumuler les dettes...

A mon avis, tout est en place pour un retour durable des déficits publics. La BCE ayant cédé sur la stabilité des prix, la monétisation de la dette sera l'issue probable. Or le fait d'avoir une BCE permet de monétiser la dette de façon beaucoup plus efficace, moins visible (dans un premier temps) et à une autre échelle que ce qui était possible avec des monnaies nationales. Le taux de change, par exemple, qui servait de bonnet d'âne pour les Etats impécunieux, a disparu.

Nous avons donc à présent le système institutionnel suivant :
- des Etats dont les représentants politiques peuvent de nouveau dépenser sans trop compter si cela les aide pour être élus
- une BCE dont les dirigeants ne sont pas élus et peuvent prélever d'une manière redoutablement efficace l'impôt d'inflation, l'impôt le plus opaque et le plus injuste qui soit

Même si l'on croit à l'utilité des politiques de relance (ce qui n'est pas mon cas), il faut reconnaître que ce cadre institutionnel permet tous les abus? Et abus il y aura, je le crains.

bonnes lectures du jour

Alexandre écrit :
Commentaire de GSF :

3. Gu Si Fang | mercredi 17 septembre 2008 | 19:17 

Chris Dillow prétend que la cause du problème est à chercher du côté de la propriété du capital et de la gouvernance. Il note que les hedge funds qui sont non cotés ont beaucoup moins de problèmes que les grands établissements cotés.
"So, one form of ownership has caused a crisis, and another hasn't".

Mais un ménage américain qui s'endette pour acheter une maison, c'est un peut comme une petite entreprise non cotée avec un seul "actionnaire". Pourtant, des millions d'entre eux se sont plantés.

Quant au problème principal-agent qu'il invoque, il n'existe pas que dans les banques. Pourquoi le management des grandes entreprises industrielles cotées n'a-t-il pas "spéculé avec l'argent des autres"? Parce que le problème vient du métier des banques, pas de la propriété du capital ni de la gouvernance. Dillow est complètement à côté de la plaque.

6. Gu Si Fang | jeudi 18 septembre 2008 | 06:12 

Tout l'argument de Chris Dillow est basé sur l'idée que les banquiers ont spéculé parce que leurs actionnaires ne contrôlaient pas assez l'utilisation du capital. Propriété # contrôle.

Un ménage qui s'endette pour acheter une maison prend un risque sur son propre patrimoine. Propriété = contrôle.

Cette différence de propriété et de contrôle a-t-elle un effet sur le comportement des gens comme le prétend Dillow? Non : les ménages ont fait la même erreur que les banquiers, à savoir emprunter trop pour investir dans l'immobilier, en anticipant qu'il ne pouvait pas baisser.

7. Gu Si Fang | jeudi 18 septembre 2008 | 06:42 

Pour essayer d'être plus clair, voici un passage où Dillow souligne le rôle des incitations :

"In hedge funds, things have been different. Very often hedge fund managers invest their own money and take key decisions themselves, or at least closely watch those who do. Their incentives to take huge risks have been smaller. So these have at least survived."

Un ménage aussi investit son propre argent. Ses incitations à être prudent son maximales.

Un PDG dans l'industrie investit l'argent de ses actionnaires. Il est incité à prendre des risques - d'autant plus qu'il détient des stock options qui peuvent monter mais pas baisser.

Un ménage a donc des incitations proches de celles d'un hedge fund, alors qu'un PDG dans l'industrie est plus proche d'un banquier. Si l'on raisonne comme Dillow, en expliquant la crise par ces incitations, les ménages devraient être prudents, et les industriels des têtes brûlées. Et pourtant les ménages se sont comportés comme les banquiers, et les industriels non...

Les incitations liées à la gouvernance ne semblent donc pas avoir joué un rôle déterminant.


Réponse de Alexandre Delaigue :

Vous prenez une vision maximaliste de l'argument pour y trouver une contradiction inexistante. Dillow ne dit pas qu'en l'absence de problème principal-agent, tout le monde agit prudemment : il dit qu'en son absence, les organisations concernées ont agi PLUS prudemment. Et vous aurez du mal à affirmer le contraire avec votre analogie avec un ménage : vous en connaissez beaucoup qui ont un effet de levier équivalent à celui des banques d'affaires qui se cassent la gueule, ou dont le patrimoine contient autant de saletés? Quelle est la dépréciation maximale que l'on peut constater sur un logement? Et au final, quelle est exactement la proportion de ménages qui auront fait n'importe quoi? Dans le cas des banques, c'est 100%, je vous le rappelle. Ajoutons qu'une "faillite" pour un ménage (surtout aux USA) n'a pas du tout les mêmes conséquences que pour une organisation, qui va disparaître en entraînant avec elle tous ses membres et ses actionnaires.

11. Gu Si Fang | vendredi 19 septembre 2008 | 08:11 

@ Alexandre

Le fonds de ma pensée c'est que je vois dans les évènements actuels l'exemple-type du cycle autrichien. C'est l'institution de la banque à réserves fractionnaires qui est la cause de la bulle, et donc de la crise qui s'ensuit. Légaliser cette pratique revient à légaliser une forme de vol. Les incitations qui en résultent sont trop puissantes pour espérer les contrer par de la réglementation ou de la gouvernance. Le dernier frein a sauté en août 1971, et depuis les crises s'enchaînent.

Les banques sont les premières à croquer la pomme : on leur impose un ratio capital/engagements. Elles sélectionnent les risques élevés : on introduit des critères de mesure du risque. Des pans nouveaux d'industrie financière se développent hors secteur réglementé pour capter une partie de la rente : ils seront réglementés à leur tour. Où s'arrêtera-t-on?

Je me posais il y a quelques mois la question suivante : "Qui perçoit le seigneuriage dans un système où 95% de la monnaie est créée par des banques privées, mais où leurs marges sont rognées par la concurrence?". En fait la question est mal posée. Il suffit de se demander : "A qui profite l'expansion de la masse monétaire, c'est-à-dire l'inflation?". Une foule de gens non identifiés sont avantagés par la redistribution qui en résulte, et tous ont une incitation à accroître leur part du gâteau. Et cela dépasse largement le cadre des métiers de la finance. Je ne vois pas comment tous les réglementer / contrôler.

Accessoirement, on ne peut pas faire un prêt sans emprunteur. Les ménages endettés sont donc partie prenante. La rente provenant du revenu monétaire est partagée entre l'émetteur du prêt et l'emprunteur.

Pour revenir à votre remarque sur l'analogie avec les ménages, le levier n'est pas le seul critère d'évaluation du risque. Un ménage avec un levier de 10 "parie" sur une seule maison, et sur au plus 2 salaires. Son risque peut être plus grand que pour une banque qui a un levier de 50 mais qui le répartit sur des milliers de contrats.

Chris Dillow s'égare en se focalisant sur la gouvernance. Et il insiste :

"Markets, then, can protect us from risks. So why haven't they done so? Again, the answer lies in a failure of ownership."

Je pense qu'on ne peut pas espérer contrôler tout le monde lorsque le vol est légalisé; et qu'il n'y a pas de mécanisme d'assurance possible contre le risque d'une surévaluation généralisée des actifs causée par l'expansion monétaire.

Les réactions sont les bienvenues!


Réponse de Alexandre Delaigue :

Sur cette question du problème de l'ownership, Surowiecki dans le dernier new yorker fait une remarque intéressante : toutes les banques d'affaires américaines sont devenues des sociétés cotées récemment. L'argument ne manque donc pas de valeur. Sur l'aspect autrichien de la crise, oui, up to a point quand même. Enfin, si vous voulez relancer la polémique banking principle-currency principle, bon courage. Mais si vous adoptez sur ce sujet la position de Fisher Black, la création monétaire n'a pas d'effet...

Prévoir l’imprévisible

C.H. écrit :
Dans la série “les économistes et les prévisions”, voici un très intéressant article dans le Financial Times du jour. Après avoir fait une longue liste des plus beaux plantages des économistes concernant la crise financière et avoir mentionné les quelques moments de lucidité au cours desquels certains ont semblent-ils senti le vent venir, on peut lire ces paragraphes
[...]
Commentaire de GSF :

Gu Si Fang dit : 
Tout à fait d’accord avec la conclusion, mais l’argument du FT est faible :
“We now understand that economies are complex, dynamic, non-linear systems in which small differences to initial conditions can make large differences to final outcomes – the proverbial flapping of a butterfly’s wings that causes a hurricane.”

Les économies SONT des systèmes dynamiques non-linéaires [comme les fameuses équations de Lorentz]? Comme dans Fritjof Capra…?

Le problème vient à mon avis de l’usage de l’égalité. Lorsqu’on écrit “si x alors y”, à quoi les propositions x et y peuvent-elles ressembler? Prenons l’exemple de la trajectoire d’un boulet de canon en mécanique classique : “si l’angle de tir est de 10° alors la distance parcourue par le boulet est de 1km”. Cette affirmation fait usage de l’égalité : “si l’angle est EGAL à 10° alors la distance est EGALE à 1km”. Une égalité “cause” une égalité.

Mais comment mesurer l’angle en pratique? L’angle ne peut jamais être connu qu’à un certain intervalle près, par exemple “compris entre 9,99° et 10,01°”. La proposition “… égal à …” me semble donc dénuée de sens, même en physique. Alors en économie…

Si, au lieu de relations d’égalité, on manipule des relations d’inégalité, ça va déjà mieux, du moins en physique. Des relations telles que “plus que” ou “moins que” ont un sens en physique. Mais je ne pense pas qu’elles permettent de conclure que, parce que les équations de Lorentz sont chaotiques, la réalité physique qu’elles approximent l’est aussi.

La France en faillite?

Alexandre écrit :


Si l'esprit des temps peut être capté par le ton des documentaires à succès, alors, nous vivons une période apocalyptique. Ces derniers temps, nous avons appris que nos enfants nous accuseront de les avoir soumis aux ravages de l'agriculture moderne; nous avons aussi appris que de toute façon, nous n'aurons pas d'enfants, puisque lasemence masculine est en voie de disparition (étrangement, l'activisme forcené du ministère des casse-couilles n'a pas été incriminé pour ce dernier problème); demain dimanche, nous allons découvrir sur France 5 que la France va se retrouver en faillite.
[...]
Commentaire de GSF :

13. Gu Si Fang | samedi 29 novembre 2008 | 23:10 

"la semence masculine est en voie de disparition"

Faut-il s'attendre à des paniques de la gent féminine devant les banques de sperme à réserves fractionnaires? Ca ne va pas être beau à voir...


Réponse de Alexandre Delaigue :

bah, tant que les bourses remontent...


Special dette publique-France en faillite

Alexandre écrit :



Plutôt que d'avoir à répéter des choses déjà écrites, voici l'essentiel des posts consacrés à la dette publique sur ce blog.

Le mythe du déficit public

- Les infortunes de la vertu

Tous aux abris!

le rapport Pébereau

l'hystérie de la dette publique

Rappelons aussi que tout cela est synthétisé et développé dans le chapitre consacré à la dette publique dans "sexe, drogue et économie".

Commentaire de GSF :

1. Gu Si Fang | dimanche 30 novembre 2008 | 14:26 

Ca c'est ce qui s'appelle persister et signer!

Je suis assez d'accord avec vous tant que l'on reste au niveau d'un pays. Ce que l'on pourrait appeler la "dette de la France envers l'étranger" ne nous permet pas de conclure grand-chose. Pour ce qui est de la "dette des Français envers eux-mêmes", idem. Mais une dette publique élevée signifie que certains individus sont fortement endettés. C'est la réponse de Buchanan dans Public principles of public debt. Je vois deux autres objections :

Pour faire court, mon argument principal contre la dette publique est que c'est un indicateur de dépenses publiques et de redistribution élevées. C'est donc le signe qu'il y a beaucoup d'échanges forcés dans la société, et que la part des échanges volontaires est diminuée d'autant. L'échange forcé n'est pas toujours (sic) créateur de valeur pour l'individu. Je préfère l'échange volontaire à l'échange forcé, la liberté à la contrainte.

Le second argument est qu'une dette publique finit par altérer la propriété et la responsabilité individuelles. Le résultat est tout à fait comparable à ce qui se passe dans un système financier avec un fort effet de levier. En cas d'erreur, les pertes sont supportées par les créanciers selon des règles floues, alors qu'en l'absence de dette ce sont les propriétaires qui supporteraient les pertes. Mieux vaut traiter avec quelqu'un qui investit son propre patrimoine et assume les conséquences de ses erreurs, si l'on veut éviter que les erreurs se multiplient.

Détail technique : à mon avis il faut inclure dans la dette publique les retraites du public et du privé. Les trois points ci-dessus restent d'ailleurs valables en ce qui concerne les retraites gérées par la Sécu.

Au final, la faillite de la France n'est peut-être pas l'issue probable, mais l'appauvrissement général et les faillites individuelles, si.


Réponse de Alexandre Delaigue :

Vous trouvez que la dépense publique est trop élevée. Dans le fond, dette ou impôt, vous vous en moquez. Vous êtes sur la voie de la sagesse.


Un nouveau livre du mois. Pour un nouveau système de retraite

Stéphane écrit :

Un nouveau livre du mois. Pour un nouveau système de retraite, d'Antoine Bozio et Thomas Piketty.
Commentaire de GSF :

2. Gu Si Fang | lundi 8 décembre 2008 | 09:36 

"Fondamentalement, le problème des retraites est sans solution."

Le "problème fondamental" c'est que les gens vivent plus longtemps, c'est ça? Un moyen de le "résoudre" est de travailler plus longtemps. Un autre moyen est de faire des gains de productivité. L'un dans l'autre j'ai du mal à voir ça comme un "problème". D'autant que l'on ne serait même pas en train d'en parler si les gestionnaires actuels avaient appris le calcul actuariel... 

Ce qui m'a frappé dans l'étude c'est au contraire le peu de temps consacré que les auteurs consacrent à discuter de l'équilibre du système. Ils étudient surtout plusieurs autres défauts du système actuel, plus rarement abordés :
- la redistribution inverse
- l'opacité et l'incertitude anxiogène qui en résulte
- les incitations parfois perverses
- la confusion entre contribution et redistribution
- et j'en oublie

Bozio et Piketty les présentent de façon très sérieuse et très claire. C'est la grande qualité de cet opuscule. Que l'on soit ou non en faveur de la répartition, un système sans ces défauts serait meilleur qu'un système avec.

Je regrette qu'ils n'aient pas abordé la question de la concurrence, d'une clause d'opt-out pour ceux qui souhaiteraient sortir du système ou réduire leur contribution. De plus, l'idée d'un rendement garanti me paraît source de problèmes, et mériterait une discussion plus approfondie sur le lien entre retraites par répartition et marchés financiers.


Réponse de stéphane :

Vous ne voyez pas de problème ? Vous suggérez que "travailler plus longtemps" et "faire des gains de productivité" suffira à régler le problème. Je comprends la logique. Ce n'est pas notre manière de voir.

3. Gu Si Fang | lundi 8 décembre 2008 | 10:08 

J'ai oublié une troisième voie : faire plus d'enfants pour s'occuper de nous pendant nos vieux jours. C'est une très bonne solution - et très agréable! - à condition qu'elle ne se transforme pas en élevage en batterie. Mais on s'éloigne du sujet...

Sur le "problème fondamental" au fonds nous disons la même chose avec des mots différents : rester en vie demande des ressources; vivre plus longtemps requiert donc plus de ressources; ce "problème" est "sans solution". Il n'y a pas de formule magique pour équilibrer les comptes du système actuel sans effort, ou alors ce serait un scoop! ;-)


Réponse de stéphane :

Oui, voilà. En effet, nous sommes d'accord.


Krugman sur les rendements croissants

C.H. écrit :
Paul Krugman donne cet après-midi, à 15h, sa conférence pour le Prix Nobel que l’on peut voir en direct. On peut trouver ici les slides de sa présentation. Rien qu’à leur lecture, on sent que ça va être intéressant. A ne pas manquer… pour ceux qui ont la chance d’avoir la possibilité de regarder en plein milieu d’après-midi ! 
Commentaire de GSF :

Le speech de Krugman est utile pour ceux comme moi qui ne connaissaient que “Pop internationalism”. De mémoire, les arguments qu’il développait dans ce livre étaient essentiellement basés sur les avantages comparatifs de Ricardo. Il parle brièvement de ses travaux sur les économies d’échelle, pour conclure qu’il faut être très prudent avant d’en tirer des conclusions en termes de politiques publiques. Son discours d’aujourd’hui tourne autour de la question des économies d’échelles et comment elles aident à comprendre le commerce international et la géographie économique.

J’ai l’impression que c’est une extension de remarques qui avaient déjà été faites sur la division du travail. La diversité des talents et la variété des ressources naturelles favorisent la spécialisation. Mais même si tout le monde avait les mêmes talents et les mêmes ressources, la spécialisation et l’échange seraient quand même (parfois) intéressants en raison des gains d’échelle.

Adam Smith écrit dans la Richesse des nations : “Division of Labor is Limited by the Extent of the Market”. Stigler a repris cette idée et Buchanan aussi, en prenant bien soin de distinguer la vision “smithienne” et la vision “ricardienne” du commerce. Ce podcast sur Econtalk donne tous les détails et les références de leurs articles.

Le bust sans le boom

C.H. écrit :

Intéressant article dans sur le site de The Economist au sujet de la récession au Japon et en Allemagne. Ces deux pays ont en commun d’avoir eu ces dernières années des taux d’épargne élevés et une consommation des ménages relativement faibles. Ce qui ne les empêchent pas d’être touchés aussi durement par la crise que d’autres pays comme le Royaume-Uni ou les Etats-Unis qui font pourtant état de comportements de consommation et d’épargne très différents.

Les cas japonais et allemand peuvent surprendre si l’on croit à l’idée qu’une crise (le bust) est toujours précédée d’une période d’euphorie (le boom) où la création monétaire excessive induit un “mal-investissement”, jusqu’au moment où le capital accumulé est dévalué. Ce genre de storytelling semble coller pour un pays comme les Etats-Unis : taux d’intérêt bas plus taux d’épargne négatif pour les ménages ne semblent pas soutenables à long terme. Mais ça ne marche pas pour le Japon et l’Allemagne. L’article de The Economist met le doigt sur autre chose pour expliquer la récession dans ces deux pays : le fait que les économies allemandes et japonaises ont énormément reposé ces dernières années sur leurs exportations. Elles ne souffrent pas d’une baisse de leur demande interne, ni du fait que les entreprises stoppent leurs investissements pour rembourser les crédits contractées précédemment, mais plutôt du ralentissement économique généralisé au niveau mondial.

Quelle est la morale de l’histoire ? D’abord qu’être cigale ou fourmi ne fait finalement pas grande différence, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Certes, on peut penser qu’un pays comme l’Allemagne se remettra peut être un peu plus rapidement que les Etats-Unis. Mais, fondamentalement, l’intégration économique fait qu’il est extrêmement difficile pour une économie d’être isolé des chocs externes. L’autre aspect, c’est que la crise actuelle met en avant l’importance croissante prise par les déséquilibres financiers internationaux. Depuis 15 ans, les mouvements de capitaux mondiaux sont caractérisés par une tendance lourde : quelques pays (essentiellement les Etats-Unis) s’endettent et accueillent en masse les capitaux étrangers, tandis que les autres (les pays émergents mais aussi des pays européens) financent la consommation et l’investissement des premiers. Il est évident que cette tendance a été une cause structurelle de la crise : pour qu’une économie puisse financer ses dépenses de consommation et d’investissement par l’endettement de manière durable comme l’ont fait les Etats-Unis, c’est qu’il a fallut que des individus consentent à prêter leurs capitaux et y trouvent un intérêt. Avant la bulle de l’immobilier, il y en a eu peut être une autre.

Commentaire de GSF :

Je crois que vous passez complètement à côté. The Economist aussi, accessoirement, mais ce n’est pas étonnant, vu que le journaliste commence son article en citant la “hangover theory” de Krugman :-))

Prenons l’exemple de la Chine : taux d’épargne élevé et consommation intérieure faible, excédent commercial, peu ou pas de déficit budgétaire. Mmmh, en voilà un pays vertueux!The Economist devrait les citer en exemple, et dire que tout baigne, non? Seulement, la Chine a depuis des années une expansion monétaire considérable. La Chine a de plus connu, contrairement aux Etats-Unis, une hausse du niveau général des prix. Les conséquences ont été les mêmes qu’aux Etats-Unis : une bulle boursière et immobilière.

Ce qui distingue les Etats-Unis et la Chine, c’est la motivation politique de l’inflation. L’expansion monétaire des Etats-Unis a permis de financer des dépenses publiques importantes et improductives (no comment). Elle s’est produite dans un contexte de double déficit, ce qui est probablement facilité par le statut particulier du dollar. Je ne vois pas quelle autre monnaie aurait résisté si longtemps à un tel traitement.

L’expansion monétaire chinoise résulte d’une autre motivation, puisqu’il s’agit d’une politique mercantiliste basique. Le maintien du yuan à une parité stable et basse par rapport au dollar privilégie les industries exportatrices au détriment des consommateurs de biens importés. Les motivations étaient différentes, mais le résultat est le même : une expansion monétaire en Chine comme aux Etats-Unis, et donc des erreurs d’investissement. En Chine la bulle immobilière est en train d’éclater et des usines ferment. Quant aux Etats-Unis, no comment…

La “hangover theory” de Krugman est typiquement un argument d’homme de paille. Il tourne en dérision l’idée que la récession serait une purge salutaire après tous ces excès orgiaques; elle permettrait enfin le retour de la vertu. Les économistes qui croient cela ne peuvent être que des imbéciles. Sauf que c’est lui qui a inventé cette histoire. L’ABC ne raconte rien de tout cela. Dans l’ABC, c’est l’expansion monétaire qui est le facteur causal. Que l’Allemagne et le Japon aient été “vertueux” ou non est hors sujet : c’est l’expansion monétaire qui est la cause, et lorsqu’elle existe il y a des conséquences.