23 octobre 2008

Arrêt sur image

Source : forum Général d'econoclaste
Une émission d'arrêt sur image avec A. Delaigue, sur la crise financière, les banques, et les théories du complot autour de la monnaie :
[www.dailymotion.com]
Oups, je vois ce fil juste après avoir posté un message dans la chatbox.

La phrase du jour est donc sans conteste :

"[La fausse monnaie] n'est pas véritablement un délit dans la mesure où c'étaient les gouvernements qui le faisaient, donc c'était pas forcément un problème [...] Les banquiers ne se rendaient absolument pas compte qu'ils prêtaient de l'argent qu'ils n'avaient pas".

Franchement, Alexandre, qu'est-ce qui vous est passé par la tête? Bon, en tous cas j'ai bien ri, merci!

Réaction de Heu...
@GSF :

D'un point de vue positiviste (juridique), n'est un délit que ce qui est qualifié comme tel par l'autorité politique. Donc effectivement, dès lors que la "fausse monnaie" est garantie par l'Etat et que tout le monde est au courant (et "nul n'est censé ignorer la loi"), ce n'est pas un délit.

Pour le reste, je n'ai jamais eu de réponse de la part des partisans de la couverture totale à cette simple question : partant du principe qu'il faudrait bien une autorité centrale ayant le monopole de la violence légitime pour enforcer la règle de la couverture 100%, comment peut-on raisonnablement escompter qu'un jour une telle autorité (l'Etat, donc) impose une telle règle alors même qu'elle contribuerait aussi bien à atténuer son pouvoir à elle ainsi que les capacités de croissance de l'économie ?

Si l'on considère que cette croyance est illusoire (ce que je pense), à quoi bon s'acharner contre la banque à réserves fractionnaires ?
Réaction d''éconoclaste-Alexandre :
Gu si fang : c'est quoi la vraie monnaie?

Et d'ailleurs, je ne vois pas ce qui vous fait rire. La première remarque se trouve si mes souvenirs sont exacts dans le contexte de l'explication de la partie de l'histoire de la monnaie décrite dans le film, ou je voulais rappeler que l'adultération des pièces était une pratique publique : Quand Scheidermann dit que "là c'est très différent, c'est de la fausse monnaie", objectivement, non, c'est pas différent.

Quant au fait que les banquiers ne savaient pas qu'ils prêtaient de l'argent "qu'ils n'avaient pas" c'est avéré par toute l'histoire économique. N'oubliez pas que la comptabilité en partie double n'est arrivée que tardivement, et que sans cela, vous tenez une comptabilité de caisse. Avec une comptabilité de caisse, vous allez créer de la monnaie scripturale sans le voir. La compréhension du mécanisme comptable de création de monnaie scripturale est intervenue de ce fait historiquement bien après que la pratique ait été courante.
@ Heu...

Sur le fait qu'une monnaie convertible soit un obstacle à la toute-puissance de l'Etat, je suis bien d'accord. A l'inverse, la fin de la convertibilité au 20ème siècle s'est accompagnée d'une croissance démesurée de l'Etat, et j'y vois personnellement un lien de cause à effet. Il n'est donc pas surprenant qu'aucune autorité monétaire n'en parle. Idem pour les banques qui sont les premiers bénéficiaires de la banque à réserves fractionnaires. C'est bien pour ça que la monnaie est un terrain idéologiquement si disputé ;-)

Lorsque l'Etat et les banques ont des intérêts convergents, le pékin lambda n'a effectivement pas le pouvoir de s'opposer à leur volonté. Mais il peut au moins diffuser les idées, et les argumenter de façon rationnelle. C'est ce que j'essaie de faire!

PS : On peut discuter pour savoir s'il faut imposer une couverture à 100%. Je ne le pense pas car elle s'imposerait d'elle-même si l'on faisait respecter le contrat entre le client et la banque.

PPS : L'idée que la création monétaire contribue à augmenter les capacités de croissance de l'économie est un mythe (qui a la vie très très dure...)

Réaction de éconoclaste-SM :
"L'idée que la création monétaire contribue à augmenter les capacités de croissance de l'économie est un mythe (qui a la vie très très dure...)"

Qui ici porte ce mythe ? Et quel est votre mythe alternatif ?
La loi de Say nous donne une base minimale pour concevoir la monnaie dans le long terme (donc sur la période pertinente pour parler de la croissance).
La contestez-vous ?
Beaucoup de questions, donc je vais faire des réponses nécessairement trop courtes. Tout vient de mauvaises théories économiques sur deux sujets-clés :
- la monnaie
- l’intérêt

@ Alexandre

« Gu Si Fang : c'est quoi la vraie monnaie? »

La vraie monnaie, c’est l’archétype de l’ordre spontané hayékien. Quand les gens ne volent pas et ne mentent pas - qu’ils en sont empêchés par des institutions suffisamment efficaces - une ou quelques marchandises émergent comme intermédiaire généralement accepté dans les échanges. C’est la présentation de Menger [mises.org] dont je signale au passage qu’elle est adoptée par Orléan et Aglietta dans Violence et confiance. Cette marchandise est ce qu’on appelle une monnaie. La principale différence avec la monnaie actuelle est que personne ne peut produire une vraie monnaie sans effort. La vraie monnaie a donc de la valeur pour tout le monde, et cette valeur est subjective. Ce n’est pas le cas pour un bout de papier ou une monnaie électronique. La monnaie fiduciaire n’a (quasiment) aucune valeur pour celui qui a le droit de « l’imprimer » et de rembourser ses dettes avec, alors qu’elle en a pour tous les autres. Jamais une telle marchandise ne pourrait être acceptée sans vol ni dol comme intermédiaire dans les échanges. En l’occurrence, les vols et dols dont il s’agit sont bien connus et listés par Rothbard : la fausse-monnaie, le monopole légal de l’émission, l’adultération, le cours légal, la banque à réserves fractionnaires, la suspension du paiement en espèces, la banque centrale.

Pour la comptabilité en partie double, je ne suis pas compétent. Je note simplement qu’avec une telle explication, on aurait dû s’attendre à voir le mécanisme des réserves fractionnaires se généraliser à d’autres marchandises : le blé, l’huile, etc. Historiquement, je crois que certains entrepôts ont essayé, et ils ont heureusement été déboutés par les tribunaux, contrairement à ce qui s’est passé dans le cas de la monnaie.

@ Heu…
@ Vilcoyote

Un taux d’intérêt est un prix de marché. La meilleure façon de le décrire est comme « prix du temps ». Il émerge (comme tout prix) au cours des échanges entre des individus qui ont des préférences temporelles différentes (Böhm-Bawerk). De même que la manipulation du prix sur les autres marchés crée des problèmes (plafonnement des loyers), la manipulation du taux d’intérêt crée des problèmes relatifs au temps. La coordination des activités économiques dans le temps est perturbée (Knut Wicksell).

@ Bavard2

« Pourquoi les banquiers ont-ils choisi de conserver les produits les plus risqués (et sans doute les plus profitables) en portefeuille plutôt que de les mettre en vente sur le marché du risque ? »

Vous avez raison, l’idée que le monde entier est manipulée par les banquiers est par trop simpliste. Quand on voit les pertes qu’ils subissent en ce moment, les licenciements, etc. ce sont les symptômes d’erreurs économiques, au même titre que pour les ménages emprunteurs expulsés de leur logement. La théorie autrichienne explique très bien cette notion d’erreur collective (« cluster of errors »). Mais contrairement à Minsky, qui croit que c’est le produit spontané du marché, les Autrichiens montrent comment c’est la manipulation de la monnaie qui produit le phénomène d’erreurs collective, dont la manifestation la plus visible est la crise actuelle. La contribution de Mises a consisté à intégrer les intuitions de la Currency School sur les effets de l’inflation avec les idées de Knut Wicksell sur le taux d’intérêt naturel, tout en s’appuyant sur une bonne théorie de la monnaie (Menger), de l’intérêt et du capital (Böhm-Bawerk), ce qui a donné la théorie autrichienne du cycle économique.

@ sm

« Qui ici porte ce mythe ? Et quel est votre mythe alternatif ? »
On s’en tape, des mites ! :-)
[www.script-o-rama.com]

« La loi de Say etc. »
Je ne suis pas compétent.

Réaction de fred :
@GSF
Sur le côté spontané des réserves fractionnaires, je ne vois pas en quoi être simultanément créancier et débiteur est artificiel. Cela arrive quasiment à toutes les entreprises et à beaucoup de ménages. Les banques se contentent de pratiquer cela à grande échelle.

Sur le système à réserves fractionnaires pour les produits autres que monétaires, on peut tout de même mentionner les marchés à terme (que ce soit pour les matières premières ou les actions) dont le montant est très important.
Sur les marchés actions, on peut observer que la vente à découvert est partiellement autorisée.
Maintenant, c'est vrai que je n'ai pas encore vu de compte courant libellé en boisseaux de blé avec lequel on puisse régler ses courses.
@ Heu...

« Le cas américain est l'exception, pas la règle. En France et en Europe aussi on a un système de banque à réserves fractionnaires. Pourtant, notre taux d'épargne est très élevé. Ce n'est donc pas la banque à réserves fractionnaires en elle-même qui explique ce qui s'est passé aux Etats-Unis. »

Nous avons eu d'autres bulles (1980, 1990). Nous avons probablement une bulle immobilière qui commence à se dégonfler même si nous n'avons pas de prêts "subprime" en France. D'autre pays européens ont une bulle immoilière plus grave encore qu'aux US, qu'ils soient dans la zone euro (Espagne) ou non (UK). Les banques européennes ont des leviers de l'ordre de 30 qui les rendent très fragiles. Etc. etc.

Pourquoi voit-on des différences d'un pays à l'autre alors que nous avons tous peu ou prou le même sytème monétaire? Parce qu'une situation économique ne résulte pas d'un seul facteur (banque à réserves fractionnaires) mais d'une multitude de causes. Dans le cas de la France, je pense que l'interdiction du prêt hypothécaire a joué un rôle important. C'est une forme de rationnement du crédit qui, en la circonstance, a probablement évité le développement d'un marché "subprime". Mais le rationnement du crédit a d'autres effets pervers bien connus des économistes.

Il n'y a donc pas "une" histoire du cycle autrichien. Roger Garrison en parle dans son introduction à "The Austrian Theory of the Trade Cycle and Other Essays" (bientôt en français et en PDF ;-) et en attendant, disponible ici [mises.org] ).

@ fred

« je ne vois pas en quoi être simultanément créancier et débiteur est artificiel. Cela arrive quasiment à toutes les entreprises et à beaucoup de ménages. »

C'est en effet tout à fait légitime, mais cela ne permet pas de créer une "marchandise généralement acceptée comme intermédiaire dans les échanges" - c'est-à-dire de la monnaie. Autrefois vous pouviez le faire. Par exemple, vous pouviez imprimer des billets de Monopoly libellés "100 eurofred" et portant la mention "fred S.A. s’engage à remettre au porteur la somme de 100 euros" (ou 100 pièces d’or si nous étions au XIXème). Une partie de l’histoire monétaire s’est d’ailleurs faite sur ce modèle. Il y avait des "euros SG", des "euros BNP", des "euros LCL" et les banques passaient des accords entre elles pour les convertir (voir par exemple [www.amazon.fr] ).

Ce système était instable aussi, accessoirement, mais l’expansion monétaire était quand même limitée par un facteur. Si vous aviez un capital de 100.000 euros et que vous émettiez 1 milliard d’eurofreds, en moins de 10 minutes il y avait une panique bancaire, les 100.000 euros sortaient de vos coffres et vous faisiez faillite. La banque centrale, en coordonnant l’expansion monétaire de toutes les banques privées, a en partie fait sauter ce verrou. C’est une des étapes très bien décrites par Rothbard, qui est le livre à lire en priorité [dl.free.fr] .

C’est pourquoi je ne suis pas du tout rassuré quand j’entends parler de grande réunion monétaire internationale "façon Bretton Woods" pour coordonner les actions des banques centrales et concevoir un système monétaire mondial [www.lefigaro.fr] . La crise actuelle (2008) et les précédentes (années 70, 1990) sont les descendantes en ligne directe de Bretton Woods (1944). Là encore, toute cette histoire monétaire est très bien résumée dans Rothbard.


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