06 janvier 2006

On n'en parle plus : le Traité Constitutionnel de l'Europe

De : ... [mailto:..........@.......fr]
Envoyé : mardi 24 mai 2005 08:37
À : ..............
Objet : Réflexions sur la Constitution

Après quelques discussions et soirées à "refaire le monde" avec des amis j'ai voulu synthétiser les arguments du NON que j'ai entendus et tenter d'y répondre. Vos réponses sont bienvenues!

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Le texte est trop compliqué?

Pourquoi lire le texte complet? L'essentiel n'est pas le texte dans l'absolu mais la comparaison avec les traités existants. Si on veut voir "ce qui change" et "ce qui ne change pas" il faut lire le texte + les traités actuels, ce qui est beaucoup trop long. Il vaut donc mieux lire une des nombreuses synthèses disponibles à la FNAC, par exemple "Le petit guide de la constitution européenne" par France Inter à la Doc Française, "La constitution européenne" par O.Duhamel dont l'introduction est très bien, ou les nombreux livres du type "Les arguments du oui et du non". Enfin, bien qu'il soit encore long le texte actuel représente une simplification importante par rapport aux traités actuellement en vigueur (le mieux est l'ennemi du bien).

Pourquoi le titre 3?

Pour certains le titre 3 n'a rien à faire dans une constitution. En votant non, on aurait donc une chance que le texte soit repris et le titre 3 supprimé. C'est oublier que pour d'autres pays européens c'est le titre 2 qu'il faudrait supprimer (les Britanniques)! En dehors de cet argument qui résulte du mode de rédaction de la constitution - discussion et négociation - il faut comprendre le fonds. Le titre 3 reprend les règles des "politiques européennes" déjà décrites dans les traités antérieurs. C'est ainsi que l'Europe s'est construite depuis 1954, commençant par le charbon et l'acier, l'atome, jusqu'à l'euro, la politique étrangère commune etc. C'était une volonté de R.Schumann qui considérait que les ennemis d'hier devaient construire ensemble par couches successives, d'abord sur des sujets concrets et non polémiques. Quand on voit le résultat je trouve qu'il a eu raison! Aujourd'hui il faut tenir compte de cet existant, que le titre 3 reprend en le simplifiant. Il est évidemment impossible d'abroger tous ces traités et de les réécrire, et il serait dommage de ne pas les simplifier avec le titre 3.

Deux faux arguments ont souvent cours au sujet du titre 3 :
- il serait "gravé dans le marbre" : pas plus qu'aujourd'hui puisque les politiques européennes sont déjà en vigueur et ont force de traités, la constitution ne les "grave" donc pas dans le marbre; au contraire elle offre deux procédures de révision qui n'existaient pas auparavant (procédure simplifiée et élargissement des prérogatives du Parlement)
- il serait "libéral" : on a le droit de le penser, c'est une question d'opinion; mais voter non ne changera pas pour autant les traités existants

En conclusion le titre 3 est nécessaire pour rendre plus lisibles les politiques européennes, et faciliter leur révision ultérieure.

Traité ou constitution?

Ce texte n'est pas une constitution mais il en a certains attributs :
- il définit l'organisation des pouvoirs et des institutions en Europe
- il est supérieur aux droits nationaux
- il repose sur un ensemble politique et culturel commun

Mais il lui manque des attributs essentiels pour être une constitution du siècle des lumières :
- il est approuvé à l'unanimité des Etats, et non à la majorité d'une assemblée constituante
- il ne fonde pas les droits nationaux qui restent de la compétence des Parlements des Etats

Pourquoi ces différences? Parce que l'Europe n'est pas un Etat, et que ses compétences sont limitées même si elles ont vocation à s'élargir avec le temps. "Tout ce qui n'est pas de la compétence de l'Europe reste de la compétence des Etats". La Constitution n'a donc pas vocation à fonder les droits nationaux comme le fait habituellement une constitution. Cela se comprend facilement parce que l'Europe est une construction politique d'un genre nouveau. Il s'agit de réunir des pays existants qui ont déjà des institutions, et de mettre en commun certaines compétences, non de "fonder" une démocratie après une révolution ou une déclaration d'indépendance! Ne comparons donc pas le texte à la constitution des USA ou Française.

Qu'est-ce qu'on y gagne?

Ce traité est une deuxième étape du renforcement des institutions politiques européennes après Maastricht. Le traité de 1992 avait créé l'Union européenne, la politique extérieure commune, la monnaie unique. Aujourd'hui on élargit les pouvoirs du Parlement, on fusionne l'Union et la Communauté européennes, on crée des postes de Président et de Ministre des affaires étrangères. Ce sont des avancées dans le bon sens même si on est encore loin du compte, et pour certains pays cela représente déjà un effort important par rapport à ce qu'ils souhaitaient (une Europe limitée au marché commun). En cas de renégociation du texte, il est peu probable qu'on ira plus loin dans le renforcement des institutions, au contraire.

L'unanimité est un obstacle considérable pour l'Europe. Parce qu'elle donne à chacun des 25 pays un droit de veto elle conduirait à des situations de blocage et empêcherait de faire évoluer nos accords. Le mode de décision à la majorité qualifiée gagne du terrain dans le nouveau texte, ce qui représente un vrai progrès démocratique.

Bien sûr les institutions européennes ne sont pas un clone de nos institutions nationales, ont a vu pourquoi : l'Europe n'est pas un Etat. Elle comprennent 3 instances représentatives :
- un "gouvernement de l'Europe", la Commission
- une représentation des Etats, le Conseil
- une représentation des peuples, le Parlement

Quand je regarde 10 ans en arrière, je constate que ces institutions sont beaucoup plus claires et compréhensibles que ce qui existait à l'époque. Elle ont évolué, et surtout je me suis enfin intéressé au sujet. Le débat actuel aura eu le mérite de constituer un énorme effort de pédagogie.

J'avoue qu'en 1992 je comprenais très mal le traité de Maastricht et j'en avais une image négative. Pourtant si il n'avait pas été approuvé, la construction européenne aurait assurément stagné. C'est ce que je redoute en cas de victoire du NON, car cela s'est déjà produit :
- la Communauté Européenne de Défense (armée européenne) est une idée qui date de 1954 mais que la France avait rejetée à l'époque, on voit où on en est aujourd'hui;
- le premier projet de constitution européenne a été présenté au Parlement européen en 1984 et rejeté par les Etats, il a fallu 20 pour en réécrire un.

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